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çonnais, la chose ne serait pas faite ? Vous n’avez pas, je le sais bien, assassiné votre maître ; mais d’autres l’ont tué, et il faut que je connaisse les meurtriers. Qui est entré au pavillon ?

— Un vieil homme, vêtu misérablement, que Monseigneur recevait depuis deux jours.

— Mais… la femme ?

— Nous ne l’avons pas vue… De quelle femme Votre Majesté veut-elle parler ?

— Il est venu une femme qui a fait un bouquet…

Les deux serviteurs se regardèrent avec tant de naïveté, que Catherine reconnut leur innocence à ce seul regard.

— Qu’on m’aille chercher, dit-elle alors, le gouverneur de la ville et le gouverneur du château.

Les deux valets se précipitèrent vers la porte.

— Un moment ! dit Catherine, en les clouant par ce seul mot sur le seuil. Vous seuls et moi nous savons ce que je viens de vous dire ; je ne le dirai pas, moi ; si quelqu’un l’apprend, ce sera par l’un de vous ; ce jour-là, vous mourrez tous deux. Allez !

Catherine interrogea moins ouvertement les deux gouverneurs. Elle leur dit que le duc avait reçu de certaine personne une mauvaise nouvelle qui l’avait affecté profondément, que là était la cause de son mal, qu’en interrogeant de nouveau les personnes, le duc se remettrait sans doute de son alarme.

Les gouverneurs firent fouiller la ville, le parc, les environs, nul ne sut dire ce qu’étaient devenus Remy et Diane.

Henri seul connaissait le secret, et il n’y avait point danger qu’il le révélât.

Tout le jour, l’affreuse nouvelle, commentée, exagérée, tronquée, parcourut Château-Thierry et la province ; chacun expliqua, selon son caractère et son penchant, l’accident survenu au duc.