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bras de Diane, et grâce à ce soutien, marchant plus à l’aise, il parut oublier fièvre et étourdissement ; se redressant tout à coup, il appuya, presque par surprise, ses lèvres sur le cou de la jeune femme.

Celle-ci tressaillit comme si, au lieu d’un baiser, elle eût ressenti la morsure d’un fer rouge.

— Remy, un flambeau ! s’écria-t-elle, un flambeau !

Aussitôt Remy rentra dans la salle à manger et alluma, aux bougies de la table, un flambeau isolé qu’il prit sur un guéridon ; et, se rapprochant vivement de l’entrée du pavillon ce flambeau à la main :

— Voilà, Madame, dit-il.

— Où va Votre Altesse ? demanda Diane en saisissant le flambeau et détournant la tête.

— Oh ! chez moi !… chez moi !… et vous me guiderez, n’est-ce pas, Madame ? répliqua le prince avec ivresse.

— Volontiers, Monseigneur, répondit Diane. Et elle leva le flambeau en l’air en marchant devant le prince.

Remy alla ouvrir, au fond du pavillon, une fenêtre par où l’air s’engouffra de telle façon, que la bougie portée par Diane lança, comme furieuse, toute sa flamme et sa fumée sur le visage de François, placé précisément dans le courant d’air.

Les deux amants, Henri les jugea tels, arrivèrent ainsi, en traversant une galerie, jusqu’à la chambre du duc, et disparurent derrière la tenture de fleurs de lis qui lui servait de portière.

Henri avait vu tout ce qui s’était passé avec une fureur croissante, et cependant cette fureur était telle qu’elle touchait à l’anéantissement.

On eût dit qu’il ne lui restait de forces que pour maudire le sort qui lui avait imposé une si cruelle épreuve.

Il était sorti de sa cachette, et, brisé, les bras pendants, l’œil atone, il se préparait à regagner, demi-mort, son appartement dans le château.