Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/251

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tomber sur l’autre rose quelques gouttes d’une liqueur renfermée dans un flacon d’or qu’elle tira de son sein.

Puis elle prit la rose que le prince avait ramassée, et la mettant à sa ceinture :

— Celle-là est pour moi, dit-elle, changeons.

Et, en échange de la rose qu’elle recevait des mains du prince, elle lui tendit le bouquet.

Le prince le prit avidement, le respira avec délices, et passa son bras autour de la taille de Diane. Mais cette pression voluptueuse acheva sans doute de troubler les sens de François, car il fléchit sur ses genoux et fut forcé de s’asseoir sur un banc de gazon qui se trouvait là.

Henri ne perdait pas de vue ces deux personnages, et cependant il avait aussi un regard pour Remy, qui, dans le pavillon, attendait la fin de cette scène, ou plutôt semblait en dévorer chaque détail.

Lorsqu’il vit le prince fléchir, il s’approcha jusqu’au seuil du pavillon. Diane, de son côté, sentant François chanceler, s’assit près de lui sur le banc.

L’étourdissement de François dura cette fois plus longtemps que le premier. Le prince avait la tête penchée sur la poitrine ; il paraissait avoir perdu le fil de ses idées et presque le sentiment de son existence, et cependant le mouvement convulsif de ses doigts sur la main de Diane indiquait que d’instinct il poursuivait sa chimère d’amour.

Enfin, il releva lentement la tête, et ses lèvres se trouvant à la hauteur du visage de Diane, il fit un effort pour toucher celles de sa belle convive ; mais comme si elle n’eût point vu ce mouvement, la jeune femme se leva.

— Vous souffrez, Monseigneur ? dit-elle ; mieux vaudrait rentrer.

— Oh ! oui, rentrons ! s’écria le prince dans un transport de joie ; oui, venez, merci !

Et il se leva tout chancelant ; alors, au lieu que ce fût Diane qui s’appuyât à son bras, ce fut lui qui s’appuya au