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et un choc effroyable ébranle toute cette masse, si serrée par la simple impulsion de ceux qui la poussent, que les premiers sont braves parce qu’ils ne peuvent faire autrement.

Ce mouvement, c’est Joyeuse qui le cause ; ces cris, ce sont les matelots qui les poussent : quinze cents hommes armés de haches et de coutelas et conduits par Joyeuse, auquel on a amené un cheval sans maître, sont tombés tout à coup sur les Flamands ; ils ont à venger leur flotte en flammes et deux cents de leurs compagnons brûlés ou noyés.

Ils n’ont pas choisi leur rang de bataille, ils se sont élancés sur le premier groupe qu’à son langage et à son costume ils ont reconnu pour un ennemi.

Nul ne maniait mieux que Joyeuse sa longue épée de combat ; son poignet tournait comme un moulinet d’acier, et chaque coup de taille fendait une tête, chaque coup de pointe trouait un homme.

Le groupe de Flamands sur lequel tomba Joyeuse fut dévoré comme un grain de blé par une légion de fourmis. Ivres de ce premier succès, les marins poussèrent en avant.

Tandis qu’ils gagnaient du terrain, la cavalerie calviniste, enveloppée par ces torrents d’hommes, en perdait peu à peu ; mais l’infanterie du comte de Saint-Aignan continuait de lutter corps à corps avec les Flamands.

Le prince avait vu l’incendie de la flotte comme une lueur lointaine ; il avait entendu les détonations des canons et les explosions des bâtiments sans soupçonner autre chose qu’un combat acharné, qui de ce côté devait naturellement se terminer par la victoire de Joyeuse : le moyen de croire que quelques vaisseaux flamands lutassent avec une flotte française !

Il s’attendait donc à chaque instant à une diversion de la part de Joyeuse, lorsque tout à coup on vint lui dire que la