Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/246

Cette page a été validée par deux contributeurs.

En effet, transgresser aussi audacieusement les ordres du prince et se livrer à des indiscrétions aussi téméraires, c’était le fait, non plus d’un loyal et probe gentilhomme, mais d’un lâche espion ou d’un jaloux décidé à toutes les extrémités.

Mais comme, en ouvrant la barrière qui séparait le grand parc du petit, l’homme fit un mouvement qui laissa son visage à découvert, et que ce visage était bien celui de Remy, le comte n’eut plus de scrupules et poussa résolument en avant, au risque de tout ce qui pouvait arriver.

La porte avait été refermée ; Henri sauta par-dessus les traverses et se remit à suivre les deux étranges visiteurs du prince.

Ceux-ci se hâtaient.

D’ailleurs un autre sujet de terreur vint l’assaillir.

Le duc sortit du pavillon au bruit que firent sur le sable les pas de Remy et de son compagnon.

Henri se jeta derrière le plus gros des arbres, et attendit.

Il ne put rien voir, sinon que Remy avait salué très-bas, que le compagnon de Remy avait fait une révérence de femme et non un salut d’homme, et que le duc, transporté, avait offert son bras à ce dernier comme il eût fait à une femme.

Puis tous trois, se dirigeant vers le pavillon, avaient disparu sous le vestibule, dont la porte s’était refermée derrière eux.

— Il faut en finir, dit Henri, et adopter un endroit plus commode d’où je puisse voir chaque signe sans être vu.

Il se décida pour un massif situé entre le pavillon et les espaliers, massif au centre duquel jaillissait une fontaine, asile impénétrable ; car ce n’était pas la nuit, par la fraîcheur et l’humidité naturellement répandues autour de cette fontaine, que le prince affronterait l’eau et les buissons.

Caché derrière la statue qui surmontait la fontaine, se