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— Oh ! murmura-t-il, c’est Remy ! c’est Remy ! je le reconnais dans les ténèbres de l’enfer.

Et le jeune homme, sentant ses genoux trembler sous lui, appuya ses deux mains humides sur son front brûlant.

— Mon Dieu ! dit-il, n’est-ce pas plutôt une hallucination de mon pauvre cerveau malade, et n’est-il pas écrit que dans le sommeil ou dans la veille, le jour ou la nuit, je verrai incessamment ces deux figures qui ont creusé un sillon si sombre dans ma vie ? En effet, continua-t-il comme un homme qui sent le besoin de se convaincre lui-même, pourquoi Remy serait-il ici, dans ce château, chez le duc d’Anjou ? Qu’y viendrait-il faire ? Quelles relations le duc d’Anjou pourrait-il avoir avec Remy ? Comment enfin aurait-il quitté Diane, lui son éternel compagnon ? Non ! ce n’est pas lui.

Puis, au bout d’un instant, une conviction intime, profonde, instinctive, reprenant le dessus sur le doute :

— C’est lui ! c’est lui ! murmura-t-il désespéré et en s’appuyant à la muraille pour ne pas tomber.

Comme il achevait de formuler cette pensée dominante, invincible, maîtresse de toutes les autres, le bruit aigu de la serrure retentit de nouveau, et quoique ce bruit fût presque imperceptible, ses sens surexcités le saisirent.

Un inexprimable frisson parcourut tout le corps du jeune homme. Il écouta de nouveau.

Il se faisait autour de lui un tel silence, qu’il entendait battre son propre cœur.

Quelques minutes s’écoulèrent sans qu’il vît apparaître rien de ce qu’il attendait.

Cependant, à défaut des yeux, ses oreilles lui disaient que quelqu’un approchait.

Il entendait crier le sable sous des pas.

Soudain la ligne noire de la charmille se dentela ; il lui sembla sur ce fond sombre voir se mouvoir un groupe plus sombre encore.