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m’emporte : le pauvre joueur de luth avait toujours été plus grand musicien que bon cavalier ; il paraît que son cheval l’a emporté, et qu’il est tombé dans une fondrière où il s’est tué. Le lendemain, deux voyageurs qui passaient près de cette fondrière ont trouvé un corps à moitié mangé par les loups, et la preuve que la chose s’est bien passée ainsi, et que les voleurs n’ont rien à faire dans tout cela, c’est que voici deux rouleaux d’or qu’il avait sur lui et qui ont été fidèlement rapportés. »

— Or, comme on n’avait vu personne rapporter ces deux rouleaux d’or, continua l’enseigne, on supposa qu’ils avaient été remis au prince par ces deux voyageurs, qui, l’ayant rencontré et reconnu au bord de la rivière, lui avaient annoncé cette nouvelle de la mort d’Aurilly.

— C’est étrange, murmura Henri,

— D’autant plus étrange, continua l’enseigne, que l’on a vu, dit-on encore… est-ce vrai ? est-ce une invention ?… le prince ouvrir la petite porte du parc du côté des châtaigniers, et, par cette porte, passer comme deux ombres. Le prince a donc fait entrer deux personnes dans le parc, les deux voyageurs, probablement ; c’est depuis lors que le prince a émigré dans son pavillon, et nous ne l’avons vu qu’à la dérobée.

— Et nul n’a vu ces deux voyageurs ? demanda Henri.

— Moi, dit l’enseigne, en allant demander au prince le mot d’ordre du soir pour la garde du château, j’ai rencontré un homme qui m’a paru étranger à la maison de Son Altesse, mais je n’ai pu voir son visage, cet homme s’étant détourné à ma vue et ayant rabattu sur ses yeux le capuchon de son justaucorps.

— Le capuchon de son justaucorps !

— Oui, cet homme semblait un paysan flamand, et m’a rappelé, je ne sais pourquoi, celui qui vous accompagnait quand nous nous rencontrâmes là-bas.

Henri tressaillit ; cette observation se rattachait pour lui