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XXI

LE CARDINAL DE JOYEUSE.


La jeunesse a des opiniâtretés dans le mal et dans le bien qui valent l’aplomb des résolutions d’un âge mûr.

Tendus vers le bien, ces sortes d’entêtements produisent les grandes actions et impriment à l’homme qui débute dans la vie un mouvement qui le porte, par une pente naturelle, vers un héroïsme quelconque.

Ainsi Bayard et Duguesclin devinrent de grands capitaines pour avoir été les plus hargneux et les plus intraitables enfants qu’on eût jamais vus ; ainsi ce gardeur de pourceaux dont la nature avait fait le pâtre de Montalte, et dont le génie fit Sixte-Quint, devint un grand pape pour s’être obstiné à mal faire sa besogne de porcher.

Ainsi les pires natures Spartiates se développèrent-elles dans le sens de l’héroïsme, après avoir commencé par l’entêtement dans la dissimulation et la cruauté.

Nous n’avons ici à tracer que le portrait d’un homme ordinaire ; cependant, plus d’un biographe eût trouvé dans Henri du Bouchage, à vingt ans, l’étoffe d’un grand homme.

Henri s’obstina dans son amour et dans sa séquestration du monde. Comme le lui avait demandé son frère, comme l’avait exigé le roi, il demeura quelques jours seul avec son éternelle pensée ; puis, sa pensée s’étant faite de plus en plus immuable, il se décida un matin à visiter son frère le