Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/214

Cette page a été validée par deux contributeurs.

rêtes en extase devant la fenêtre où l’on peut voir leur ombre ; petit, petit, je le dirai à dom Modeste.

Le coup frappa juste, plus juste même que ne l’avait supposé Chicot, car il ne se doutait pas, en commençant, que la blessure dût être si profonde.

Jacques se retourna, pareil à un serpent que l’on foule aux pieds.

— Ce n’est pas vrai ! s’écria-t-il, rouge de honte et de colère ; je ne regarde point les femmes !

— Si fait, si fait, poursuivit Chicot ; il y avait, au contraire, une fort belle dame au Fier Chevalier lorsque tu en es sorti, et tu t’es retourné pour la voir encore, et je sais que tu l’attendais dans la tourelle, et je sais que tu lui as parlé.

Chicot procédait par induction.

Jacques ne put se contenir.

— Sans doute, je lui ai parlé ! s’écria-t-il ; est-ce un péché que de parler aux femmes ?

— Non, lorsqu’on ne leur parle pas de son propre mouvement et poussé par la tentation de Satan.

— Satan n’a rien à faire dans tout ceci : il a bien fallu que je parle à cette dame, puisque j’étais chargé de lui remettre une lettre.

— Chargé par dom Modeste ? s’écria Chicot.

— Oui, allez donc vous plaindre à lui, maintenant !

Chicot, un moment étourdi et tâtonnant dans les ténèbres, sentit à ces paroles un éclair traverser l’obscurité de son cerveau.

— Ah ! dit-il, je le savais bien, moi.

— Que saviez-vous ?

— Ce que tu ne voulais pas me dire.

— Je ne dis pas même mes secrets à plus forte raison les secrets des autres.

— Oui ; mais à moi.

— Pourquoi à vous ?