Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/213

Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’accueil qu’on pouvait attendre de cette nature concentrée et revêche.

La conversation était complètement tombée. Chicot, pour la renouer, fut sur le point de prononcer le nom de frère Borromée, mais, quoique Chicot n’eût point de remords, ou ne crut pas en avoir, ce nom expira sur ses lèvres.

Le jeune homme, tout en demeurant muet, semblait attendre quelque chose ; on eût dit qu’il regardait comme un bonheur de rester le plus longtemps possible aux environs de l’hôtellerie du Fier Chevalier.

Robert Briquet essaya de lui parler de ce voyage que l’enfant avait eu un instant l’espoir de faire avec lui.

Les yeux de Jacques Clément brillèrent aux mots d’espace et de liberté.

Robert Briquet raconta que, dans les pays qu’il venait de parcourir, l’escrime était fort en honneur : il ajouta négligemment qu’il en avait même rapporté quelques coups merveilleux.

C’était mettre Jacques sur un terrain brûlant. Il demanda à connaître ces coups, et Chicot, avec son long bras, en dessina quelques-uns sur le bras du petit frère.

Mais tous ces marivaudages de Chicot n’amollirent pas l’opiniâtreté du petit Clément ; et, tout en essayant de parer ces coups inconnus que lui montrait son ami maître Robert Briquet, il garda un silence obstiné à l’endroit de ce qu’il était venu faire dans le quartier.

Dépité, mais maître de lui, Chicot résolut d’essayer de l’injustice ; l’injustice est une des plus puissantes provocations qui aient été inventées pour faire parler les femmes, les enfants et les inférieurs, de quelque nature qu’ils soient.

— N’importe, petit, dit-il, comme s’il revenait à sa première idée, n’importe, tu es un charmant moinillon ; mais tu vas dans les hôtelleries, et dans quelles hôtelleries encore ! dans celles où l’on trouve de belles dames, et tu t’ar-