Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/211

Cette page a été validée par deux contributeurs.

D’ailleurs, de même que Chicot avait cru reconnaître la tournure du cavalier, il croyait reconnaître dans le moinillon certain mouvement d’épaules, certain déhanchement militaire qui n’appartiennent qu’aux habitués des salles d’armes et des gymnases.

— Je veux être damné ! murmura-t-il, si cette robe-là ne renferme point ce petit mécréant qu’on voulait me donner pour compagnon de route et qui manie si habilement l’arquebuse et le fleuret.

À peine cette idée fut-elle venue à Chicot, que, pour s’assurer de sa valeur, il ouvrit ses grandes jambes et rejoignit en dix pas le petit compère, qui marchait retroussant sa robe sur sa jambe sèche et nerveuse pour aller plus vite.

Cela ne fut pas trop difficile, d’ailleurs, attendu que le moinillon s’arrêtait de temps en temps pour jeter un regard derrière lui, comme s’il s’éloignait à grand’peine et avec un profond regret.

Ce regard était constamment dirigé vers les vitres flamboyantes de l’hôtellerie.

Chicot n’avait pas fait dix pas, qu’il était certain de ne pas s’être trompé dans ses conjectures.

— Holà ! mon petit compère, dit-il ; holà ! mon petit Jacquet ; holà ! mon petit Clément. Halte !

Et il prononça ce dernier mot d’une façon si militaire, que le moinillon en tressaillit.

— Qui m’appelle ? demanda le jeune homme avec un accent rude et plus provocateur que bienveillant.

— Moi ! répliqua Chicot en se dressant devant le jacobin ; moi, me reconnais-tu, mon fils ?

— Oh ! monsieur Robert Briquet ! s’écria le moinillon.

— Moi-même, petit. Et où vas-tu comme cela si tard, enfant chéri ?

— Au prieuré, monsieur Briquet.

— Soit ; mais d’où viens-tu !

— Moi ?