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cloison, lui n’aurait certes pas à cette heure plus de remords que je n’en ai moi-même.

Chicot en était là de ses raisonnements, de ses inductions et de sa philosophie, qui lui avaient bien pris une heure et demie en tout, lorsqu’il fut tiré de sa préoccupation par l’arrivée d’une litière venant du côté de l’hôtellerie du Fier Chevalier.

Cette litière s’arrêta au seuil de la maison mystérieuse.

Une dame voilée en descendit et disparut par la porte qu’Ernauton tenait entr’ouverte.

— Pauvre garçon ! murmura Chicot, je ne m’étais pas trompé, et c’était bien une femme qu’il attendait ; et là-dessus je m’en vais dormir.

Et là-dessus Chicot se leva, mais restant immobile, quoique debout.

— Je me trompe, dit-il, je ne dormirai pas ; mais je maintiens mon dire : si je ne dors pas, ce ne sera point le remords qui m’empêchera de dormir, ce sera la curiosité ; et c’est si vrai ce que je dis là, que, si je demeure à mon observatoire, je ne serai préoccupé que d’une chose, c’est à savoir laquelle de nos nobles dames honore le bel Ernauton de son amour. Mieux vaut donc que je reste à mon observatoire, puisque, si j’allais me coucher, je me relèverais certainement pour y revenir.

Et là-dessus Chicot se rassit.

Une heure s’était écoulée à peu près, sans que nous puissions dire si Chicot pensait à la dame inconnue ou à Borromée, s’il était préoccupé par la curiosité ou bourrelé par le remords, lorsqu’il crut entendre au bout de la rue le galop d’un cheval.

En effet, bientôt un cavalier apparut enveloppé de son manteau. Le cavalier s’arrêta au milieu de la rue et sembla chercher à se reconnaître.

Alors le cavalier aperçut le groupe que formaient la litière et les porteurs.