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monsieur Chicot ; et vous dites que le scélérat a voulu vous assassiner ?

— Dame ! il me semble que ce n’est pas moi qui ai été m’amuser à me donner un coup de poignard entre les deux épaules. Maintenant que vois-tu ?

— Une maille rompue.

— Il y allait bon jeu bon argent, ce cher capitaine ; et du sang ?

— Oui, beaucoup de sang sous les mailles.

— Enlevons la cuirasse alors, dit Chicot.

Chicot enleva la cuirasse et mit à nu un torse qui semblait ne se composer que d’os, de muscles collés sur les os, et de peau collée sur les muscles.

— Ah ! monsieur Chicot, s’écria Bonhomet, vous en avez large comme une assiette.

— Oui, c’est cela, le sang extravasé ; il y a ecchymose, comme disent les médecins ; donne-moi du linge blanc, verse en partie égale dans un verre de bonne huile d’olive et de la lie de vin, et lave-moi cette tache, mon ami, lave.

Mais ce corps, cher monsieur Chicot, ce corps, que vais-je en faire ?

— Cela ne te regarde pas.

— Comment ! cela ne me regarde pas ?

— Non. Donne-moi encre, plume et papier.

— À l’instant même, cher monsieur Chicot.

Bonhomet s’élança hors du réduit.

Pendant ce temps, Chicot, qui n’avait probablement pas de temps à perdre, chauffait à la lampe la pointe d’un petit couteau, et coupait au milieu de la cire le scel de la lettre.

Après quoi, rien ne retenant plus la dépêche, Chicot la tira de son enveloppe et la lut avec de vives marques de satisfaction.

Comme il venait d’achever cette lecture, maître Bonhomet rentra avec l’huile, le vin, le papier et la plume.