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Mais Borromée avait compté sans la cotte de mailles empruntée par Chicot au cabinet d’armes de dom Modeste.

La dague se brisa comme du verre sur cette brave cotte de mailles, à laquelle, pour la seconde fois, Chicot devait la vie.

En outre, avant que l’assassin fût revenu de sa stupeur, le bras droit de Chicot, se détendant comme un ressort, décrivit un demi-cercle et vint frapper d’un coup de poing pesant cinq cents livres le visage de Borromée, qui alla rouler, tout sanglant et tout meurtri, contre la muraille.

En une seconde, Borromée fut debout ; en une autre seconde, il eut l’épée à la main.

Ces deux secondes avaient suffi à Chicot pour se redresser et dégainer à son tour.

Toutes les vapeurs du vin s’étaient dissipées comme par enchantement ; Chicot se tenait à demi rejeté sur sa jambe gauche, l’œil fixe, le poignet ferme et prêt à recevoir son ennemi.

La table, comme un champ de bataille sur lequel étaient couchées les bouteilles vides, s’étendait entre les deux adversaires, et servait de retranchement à chacun.

Mais la vue du sang qui coulait de son nez sur son visage, et de son visage à terre, enivra Borromée, et, perdant toute prudence, il s’élança contre son ennemi, se rapprochant de lui autant que le permettait la table.

— Double brute ! dit Chicot, tu vois bien que décidément c’est toi qui es ivre, car, d’un côté à l’autre de la table, tu ne peux pas m’atteindre, tandis que mon bras est de six pouces plus long que le tien, et mon épée de six pouces plus longue que la tienne. Et la preuve, tiens !

Et Chicot, sans même se fendre, allongea le bras avec la rapidité de l’éclair, et piqua Borromée au milieu du front.

Borromée poussa un cri, plus encore de colère que de douleur ; et comme, à tout prendre, il était d’une bravoure excessive, il redoubla d’acharnement dans son attaque.