Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/169

Cette page a été validée par deux contributeurs.

esprit fort, au contraire, comme le sont en général ceux qui gardent les antichambres des rois. Il croyait aux apparitions et aux disparitions, lui qui en avait tant vu, mais aux apparitions et aux disparitions des êtres vivants, et non des spectres.

Nambu assura positivement à Sa Majesté avoir vu Chicot sortir cinq minutes avant la sortie de l’envoyé de monseigneur le duc de Guise.

Seulement il sortait avec la légèreté et les précautions d’un homme qui ne voulait pas qu’on le vît sortir.

— Décidément, fit Henri en passant dans son oratoire, Chicot s’est fâché d’avoir eu tort. Que les hommes sont mesquins, mon Dieu ! Je dis cela pour tous, et même pour les plus spirituels.

Maître Nambu avait raison ; Chicot, coiffé de sa salade et roidi par sa longue épée, avait traversé les antichambres sans grand bruit ; mais, quelque précaution qu’il prît, il lui avait bien fallu laisser sonner ses éperons sur les degrés qui conduisaient des appartements au guichet du Louvre, bruit qui avait fait retourner beaucoup de monde, et avait valu à Chicot force saluts, car on savait la position de Chicot près du roi, et beaucoup saluaient Chicot plus bas qu’ils n’eussent salué le duc d’Anjou.

Dans un angle du guichet, Chicot s’arrêta comme pour rattacher un éperon.

Le capitaine de M. de Guise, nous l’avons dit, était sorti cinq minutes à peine après Chicot, auquel il n’avait prêté aucune attention. Il avait descendu les degrés et avait traversé les cours, fier et enchanté à la fois ; fier, parce qu’à tout prendre il n’était point un soldat de mauvaise mine, et qu’il se plaisait à faire parader ses grâces devant les Suisses et les gardes de Sa Majesté Très-Chrétienne ; enchanté, parce que le roi l’avait accueilli de façon à prouver qu’il n’avait aucun soupçon contre M. de Guise. Au moment où il franchissait le guichet du Louvre, et où il traversait le