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duc, il a su l’affaire de Navarre : il craint que les huguenots ne s’enhardissent et ne relèvent la tête, car il a appris que les Allemands veulent déjà envoyer du secours au roi de Navarre. Or, que fait-il ? devine ce qu’il fait ?

Chicot ne répondit point : Henri crut qu’il attendait l’explication.

— Eh bien, continua-t-il, il m’offre l’armée qu’il vient de lever en Lorraine pour surveiller les Flandres, et il me prévient que, dans six semaines, cette armée sera tout à ma disposition avec son général. Que dis-tu de cela, Chicot ?

Silence absolu de la part du Gascon.

— En vérité, mon cher Chicot, continua le roi, tu as cela d’absurde, mon ami, que tu es entêté comme une mule d’Espagne, et que si on a le malheur de te convaincre de quelque erreur, ce qui arrive souvent, tu boudes ; eh ! oui, tu boudes, comme un sot que tu es.

Pas un souffle ne vint contredire Henri dans l’opinion qu’il venait de manifester d’une façon si franche sur son ami.

Il y avait quelque chose qui déplaisait plus encore à Henri que la contradiction, c’était le silence.

— Je crois, dit-il, que le drôle a eu l’impertinence de s’endormir. Chicot ! continua-t-il, en s’avançant vers le fauteuil, ton roi te parle, veux-tu lui répondre ?

Mais Chicot ne pouvait répondre, attendu qu’il n’était plus là, et Henri trouva le fauteuil vide.

Ses yeux parcoururent toute la chambre ; le Gascon n’était pas plus dans la chambre que dans le fauteuil.

Son casque avait disparu comme lui et avec lui.

Le roi fut saisi d’une sorte de frisson superstitieux : il lui passait quelquefois par l’esprit que Chicot était un être surhumain, quelque incarnation diabolique, de la bonne espèce, c’est vrai, mais diabolique, enfin.

Il appela Nambu.

Nambu n’avait rien de commun avec Henri. C’était un