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XVI

LES DEUX COMPÈRES


Chicot, à cette annonce, s’était assis, et, selon son habitude, tournait impertinemment le dos à la porte, et son œil à demi voilé se plongeait dans une de ces méditations intérieures qui lui étaient si habituelles, quand les premiers mots que prononça le messager des Guise le fit tressaillir.

En conséquence, il rouvrit l’œil.

Heureusement, ou malheureusement, le roi, occupé du nouveau venu, ne fit point attention à cette manifestation toujours effrayante de la part de Chicot.

Le messager se trouvait placé à dix pas du fauteuil dans lequel Chicot s’était blotti, et comme le profil de Chicot dépassait à peine les garnitures du fauteuil, l’œil de Chicot voyait le messager tout entier, tandis que le messager ne pouvait voir que l’œil de Chicot.

— Vous venez de la Lorraine ? demanda le roi à ce messager, dont la taille était assez noble et la mine assez guerrière.

— Non pas, sire, mais de Soissons, où M. le duc, qui n’a pas quitté cette ville depuis un mois, m’a remis cette lettre que j’ai l’honneur de déposer aux pieds de Votre Majesté.

L’œil de Chicot étincelait et ne perdait pas un geste du nouveau venu, comme ses oreilles n’en perdaient pas une parole.

Le messager ouvrit son buffle fermé par des agrafes d’argent, et lira d’une poche de cuir doublée de soie, placée