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bone Deus sans compter que tu es difficile à nourrir en diable… Oh ! non, non, par exemple.

— Hum ! fit le roi.

— Voyons, explique-moi d’où te vient cette idée cornue ?

— Vous avez commencé par écouter froidement mes éloges à l’endroit de votre ancien ami, dom Modeste, à qui vous devez beaucoup.

— Moi, je dois beaucoup à dom Modeste ? Bon, bon bon ! après ?

— Après, vous avez essayé de me calomnier mes Joyeuse, deux amis véritables, ceux-là.

— Je ne dis pas non.

— Ensuite, vous avez lancé votre coup de griffe sur les Guise.

— Ah ! tu les aimes à présent, ceux-là aussi ; tu es dans ton jour d’aimer tout le monde, à ce qu’il paraît.

— Non, je ne les aime pas ; mais comme, en ce moment, ils se tiennent cois et couverts ; comme, en ce moment, ils ne me font pas le moindre tort ; comme je ne les perds pas un instant de vue, que tout ce que je remarque en eux c’est toujours la même froideur de marbre, et que je n’ai pas l’habitude d’avoir peur des statues, si menaçantes qu’elles soient, je m’en tiens à celles dont je connais le visage et l’attitude ; vois-tu, Chicot, un fantôme, lorsqu’il est devenu familier, n’est plus qu’un compagnon insupportable. Tous ces Guise, avec leurs regards effarouchés et leurs grandes épées, sont les gens de mon royaume qui jusqu’aujourd’hui m’ont fait le moins de tort ; et ils ressemblent, veux-tu que je te dise à quoi ?

— Dis, Henriquet, tu me feras plaisir ; tu sais bien que tu es plein de subtilités dans les comparaisons.

— Ils ressemblent à ces perches que l’on lâche dans les étangs pour donner la chasse aux gros poissons et les empêcher d’engraisser par trop : mais suppose un instant que les gros poissons n’en aient pas peur.