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Puis il se versa du vin, passa de la bisque à un pâté de thon, du thon à des écrevisses farcies, avala par manière d’acquit, et par-dessus le tout, le consommé royal ; puis, poussant un grand soupir :

— Je n’ai plus faim, dit-il.

— Par la mordieu ! je l’espère bien, Chicot.

— Ah !… bonjour, mon roi, comment vas-tu ? je te trouve un petit air tout guilleret ce matin.

— N’est-ce pas, Chicot ?

— De charmantes petites couleurs.

— Hein ?

— Est-ce à toi ?

— Parbleu !

— Alors, je t’en fais mon compliment.

— Le fait est que je me sens on ne peut plus dispos ce matin.

— Tant mieux, mon roi, tant mieux. Ah çà ! mais, ton déjeuner ne finissait point là, et il te restait bien encore quelques petites friandises ?

— Voici des cerises confites par les dames de Montmartre.

— Elles sont trop sucrées.

— Des noix farcies de raisin de Corinthe.

— Fi ! on a laissé les pépins dans les raisins.

— Tu n’es content de rien !

— C’est que, parole d’honneur, tout dégénère, même la cuisine, et qu’on vit de plus en plus mal à la cour.

— Vivrait-on mieux à celle du roi de Navarre ? demanda Henri en riant.

— Eh ! eh !… je ne dis pas non.

— Alors, c’est qu’il s’y est fait de grands changements.

— Ah ! quant à cela, tu ne crois pas si bien dire, Henriquet.

— Parle-moi un peu de ton voyage, alors, cela me distraira.