Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/136

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je l’avais vu, dit Aurilly, mais je ne l’avais pas remarqué.

— C’est ainsi.

— Eh bien ! moi qui n’ai pas fait de vœu, je m’arrête un instant ; continuez votre route, je vous rejoins.

Et Aurilly indiqua le chemin à Remy, descendit de cheval et s’approcha de l’hôte, qui vint au-devant de lui avec de grands respects et comme s’il le connaissait.

Remy rejoignit Diane.

— Que vous disait-il ? demanda la jeune femme.

— Il exprimait son désir ordinaire.

— Celui de me voir ?

— Oui.

Diane sourit sous son masque.

— Prenez garde, dit Remy, il est furieux.

— Il ne me verra pas. Je ne le veux pas, et c’est te dire qu’il n’y pourra rien.

— Mais une fois que vous serez à Château-Thierry, ne faudra-t-il point qu’il vous voie à visage découvert ?

— Qu’importe, si la découverte arrive trop tard pour eux ? D’ailleurs le maître ne m’a point reconnue.

— Oui, mais le valet vous reconnaîtra.

— Tu vois que jusqu’à présent ni ma voix ni ma démarche ne l’ont frappé.

— N’importe, Madame, dit Remy, tous ces mystères qui existent depuis huit jours pour Aurilly n’avaient point existé pour le prince, ils n’avaient point excité sa curiosité, point éveillé ses souvenirs, au lieu que, depuis huit jours, Aurilly cherche, calcule, suppute ; votre vue frappera une mémoire éveillée sur tous les points, il vous reconnaîtra s’il ne vous a pas reconnue.

En ce moment ils furent interrompus par Aurilly, qui avait pris un chemin de traverse et qui, les ayant suivis sans les perdre de vue, apparaissait tout à coup dans l’espoir de saisir quelques mots de leur conversation.