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nouvela sur lui ses tentatives de séduction, que Remy repoussa, comme d’habitude.

— Enfin, dit Aurilly, il faudra cependant bien qu’un jour ou l’autre je voie ta maîtresse.

— Sans doute, dit Remy, mais ce sera au jour qu’elle voudra, et non au jour où vous voudrez.

— Cependant si j’employais la force ? dit Aurilly.

Un éclair qu’il ne put retenir jaillit des yeux de Remy.

— Essayez ! dit-il.

Aurilly vit l’éclair ; il comprit ce qui vivait d’énergie dans celui qu’il prenait pour un vieillard.

Il se mit à rire.

— Que je suis fou ! dit-il ; et que m’importe qui elle est ? C’est bien la même, n’est-ce pas, que M. le duc d’Anjou a vue ?

— Certes !

— Et qu’il m’a dit de lui amener à Château-Thierry ?

— Oui.

— Eh bien ! c’est tout ce qu’il me faut ; ce n’est pas moi qui suis amoureux d’elle, c’est Monseigneur, et pourvu que vous ne cherchiez pas à fuir, à m’échapper…

— En avons-nous l’air ? dit Remy.

— Non.

— Nous en avons si peu l’air, et c’est si peu notre intention, que, n’y fussiez-vous pas, nous continuerions notre route pour Château-Thierry ; si le duc désire nous voir, nous désirons le voir aussi, nous.

— Alors, dit Aurilly, cela tombe à merveille.

Puis, comme s’il eût voulu s’assurer du désir réel qu’avaient Remy et sa compagne de ne pas changer de chemin :

— Votre maîtresse veut-elle s’arrêter ici quelques instants ? dit-il.

Et il montrait une espèce d’hôtellerie sur la route.

— Vous savez, lui dit Remy, que ma maîtresse ne s’arrête que dans les villes.