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— Monsieur, lui dit-il, ma maîtresse ne peut accepter ce que vous lui proposez.

— Et pourquoi cela ?

— Parce que vous n’êtes point l’intendant de M. du Bouchage.

Aurilly pâlit.

— Mais qui vous a dit cela ? demanda-t-il ?

— Rien de plus simple. M. du Bouchage m’a quitté en me recommandant la personne que j’accompagne, et M. du Bouchage, en me quittant, ne m’a pas dit un mot de vous.

— Il ne m’a vu qu’après vous avoir quitté.

— Mensonges, Monsieur, mensonges !

Aurilly se redressa ; l’aspect de Remy lui donnait toutes les apparences d’un vieillard.

— Vous le prenez sur un singulier ton, brave homme, dit-il en fronçant le sourcil. Prenez garde, vous êtes vieux, je suis jeune ; vous êtes faible, je suis fort.

Remy sourit, mais ne répondit rien.

— Si je vous voulais du mal, à vous ou à votre maîtresse, continua Aurilly, je n’aurais que la main à lever.

— Oh ! oh ! fit Remy, peut-être me trompé-je, et est-ce du bien que vous lui voulez.

— Sans doute.

— Expliquez-moi ce que vous désirez, alors.

— Mon ami, dit Aurilly, je désire faire votre fortune d’un seul coup, si vous me servez.

— Et si je ne vous sers pas ?

— En ce cas-là, puisque vous me parlez franchement, je vous répondrai avec une pareille franchise : en ce cas-là, je désire vous tuer.

— Me tuer ! ah ! fit Remy avec un sombre sourire.

— Oui, j’ai plein pouvoir pour cela.

Remy respira.

— Mais pour que je vous serve, dit-il, faut-il au moins que je connaisse vos projets.