Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/117

Cette page a été validée par deux contributeurs.

père ; tenez, moi, Monseigneur, si je ne me sentais sous le poids de quelque regard qui nous surveille de cette rue, j’y monterais à mon tour, à l’échelle, et j’aurais raison, je vous le promets, du rêve, de l’ombre et du frisson de Votre Altesse.

— Ma foi, tu as raison, Aurilly, va chercher l’échelle, dresse-la et monte ; qu’importe le surveillant ! n’es-tu pas à moi ? Regarde, Aurilly, regarde.

Aurilly avait déjà fait quelques pas pour obéir à son maître, quand soudain un pas précipité retentit sur la place ; et Henri cria au duc :

— Alarme ! Monseigneur, alarme !

D’un seul bond Aurilly rejoignit le duc.

— Vous, dit le prince, vous ici, comte ! et sous quel prétexte avez-vous quitté votre poste ?

— Monseigneur, répondit Henri avec fermeté, si Votre Altesse croit devoir me faire punir, elle le fera ; en attendant, mon devoir était de venir ici, et m’y voici venu.

Le duc, avec un sourire significatif, jeta un coup d’œil sur la fenêtre.

— Votre devoir, comte ? Expliquez-moi cela, dit-il.

— Monseigneur, des cavaliers ont paru du côté de l’Escaut, on ne sait s’ils sont amis ou ennemis.

— Nombreux ? demanda le duc avec inquiétude.

— Très-nombreux, Monseigneur.

— Eh bien, comte, pas de fausse bravoure, vous avez bien fait de revenir ; faites réveiller vos gendarmes. Longeons la rivière qui est moins large, et décampons, c’est le plus prudent parti.

— Sans doute, Monseigneur, sans doute ; mais il serait urgent, je crois, de prévenir mon frère.

— Deux hommes suffiront.

— Si deux hommes suffisent, Monseigneur, dit Henri, j’irai avec un gendarme.

— Non pas, morbleu ! dit vivement François, non pas, du