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hommes et des animaux assez habilement pour ne pas réveiller les uns et ne pas recevoir de coups de pied des autres, et alla l’appliquer dans la rue à la muraille extérieure.

Il fallait être prince et souverainement dédaigneux des scrupules vulgaires, comme le sont en général les despotes de droit divin, pour oser, en présence du factionnaire se promenant de long en large devant la porte où étaient enfermés les prisonniers, pour oser accomplir une action aussi audacieusement insultante à l’égard de du Bouchage, que celle que le prince était en train d’accomplir.

Aurilly le comprit et fit observer au prince la sentinelle, qui, ne sachant pas quels étaient ces deux hommes, s’apprêtait à leur crier : Qui vive !

François haussa les épaules et marcha droit au soldat.

Aurilly le suivit.

— Mon ami, dit le prince, cette place est le point le plus élevé du bourg, n’est-ce pas ?

— Oui, Monseigneur, dit la sentinelle, qui, reconnaissant François, lui fit le salut d’honneur, et n’étaient ces tilleuls qui gênent la vue, à la lueur de la lune on découvrirait une partie de la campagne.

— Je m’en doutais, dit le prince ; aussi ai-je fait apporter cette échelle pour regarder par-dessus. Monte donc, Aurilly, ou plutôt, non, laisse-moi monter ; un prince doit tout voir par lui-même.

— Où dois-je appliquer l’échelle, Monseigneur ? demanda l’hypocrite valet.

— Mais, au premier endroit venu, contre cette muraille, par exemple.

L’échelle appliquée, le duc monta.

Soit qu’il se doutât du projet du prince, soit par discrétion naturelle, le factionnaire tourna la tête du côté opposé au prince. Le prince atteignit le haut de l’échelle ; Aurilly demeura au pied.