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Cette réponse avait deux buts, sinon deux résultats : le premier, de détourner les soupçons du duc s’il en avait : le second, d’indiquer au comte qu’il avait un auxiliaire sur lequel il pouvait compter.

— Ah ! c’est différent, répondit le duc, forcé d’ajouter foi à ces paroles sous peine de compromettre par le rôle d’espion sa dignité de prince.

Puis, pendant que le duc se retournait vers la porte qu’on ouvrait :

— Son Altesse sait que vous accompagnez quelqu’un, glissa tout bas l’enseigne à Henri.

Du Bouchage tressaillit, mais il était trop tard. Ce tressaillement lui-même n’avait point échappé au duc, et, comme pour s’assurer par lui-même si les ordres avaient été exécutés partout, il proposa au comte de le conduire jusqu’à son poste, proposition que le comte fut bien forcé d’accepter. Henri eût voulu prévenir Remy de se tenir sur ses gardes, et de préparer à l’avance quelque réponse, mais il n’y avait plus moyen : tout ce qu’il put faire, ce fut de congédier l’enseigne par ces mots :

— Veillez bien sur la poudre, n’est-ce pas ? veillez-y comme j’y veillerais moi-même.

— Oui, monsieur le comte, répliqua le jeune homme.

— En chemin, le duc demanda à du Bouchage :

— Où est cette poudre que vous recommandez à notre jeune officier, comte ?

— Dans la maison où j’avais placé le quartier général, Altesse.

— Soyez tranquille, du Bouchage, répondit le duc, je connais trop bien l’importance d’un pareil dépôt, dans la situation où nous sommes, pour ne pas y porter toute mon attention. Ce n’est point notre jeune enseigne qui le surveillera, c’est moi.

La conversation en resta là. On arriva, sans parler davantage, au confluent du fleuve et de la rivière ; le duc fit