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sionomies, qu’une conversation hostile avait été tenue par le duc en son absence et interrompue par son retour.

Mais Henri n’avait point assez de défiance pour deviner de quoi il s’agissait : nul n’était assez son ami pour le lui dire en présence du duc.

D’ailleurs, Aurilly faisait bonne garde, et le duc, qui sans aucun doute avait déjà à peu près arrêté son plan, retenait Henri près de sa personne, jusqu’à ce que tous les officiers présents à la conversation fussent éloignés.

Le duc avait fait quelques changements à la distribution des postes. Ainsi, quand il était seul, Henri avait jugé à propos de se faire centre, puisqu’il était chef, et d’établir son quartier général dans la maison de Diane. Puis, au poste le plus important après celui-là, et qui était celui de la rivière, il envoyait l’enseigne.

Le duc, devenu chef à la place de Henri, prenait la place de Henri, et envoyait Henri où celui-ci devait envoyer l’enseigne. Henri ne s’en étonna point. Le prince s’était aperçu que ce point était le plus important, et il le lui confiait : c’était chose toute naturelle, si naturelle, que tout le monde, et Henri le premier, se méprit à son intention.

Seulement, il crut devoir faire une recommandation à l’enseigne des gendarmes, et s’approcha de lui. C’était tout naturel aussi qu’il mît sous sa protection les deux personnes sur lesquelles il veillait et qu’il allait être forcé, momentanément du moins, d’abandonner.

Mais, aux premiers mots que Henri tenta d’échanger avec l’enseigne, le duc intervint.

— Des secrets ! dit-il avec son sourire.

Le gendarme avait compris, mais trop tard, l’indiscrétion qu’il avait faite. Il se repentait, et, voulant venir en aide au comte :

— Non, Monseigneur, répondit-il ; monsieur le comte me demande seulement combien il me reste de livres de poudre sèche et en état de servir.