Ainsi, Pertinax de Montcrabeau, avec l’aide de ce singulier domestique qu’il ne tutoyait pas et qui le tutoyait, Pertinax de Montcrabeau, disons-nous, exerçait, pour une escouade à frais communs, ses propres talents culinaires. La gamelle fondée par cet habile administrateur réunissait huit associés qui mettaient chacun six sous par repas.
M. de Chalabre ne mangeait jamais ostensiblement ; on eût cru à un être mythologique placé par sa nature en dehors de tous les besoins.
Ce qui faisait douter de sa nature divine, c’était sa maigreur.
Il regardait déjeuner, dîner et souper ses compagnons, comme un chat orgueilleux qui ne veut pas mendier, mais qui a faim cependant, et qui, pour apaiser sa faim, se lèche les moustaches. Il est cependant juste de dire que lorsqu’on lui offrait, et on lui offrait rarement, il refusait, ayant, disait-il, les derniers morceaux à la bouche, et les morceaux n’étaient jamais moins que perdreaux, faisans, bartavelles, mauviettes, pâtés de coqs de bruyère et de poissons fins.
Le tout avait été habilement arrosé à profusion de vins d’Espagne et de l’Archipel des meilleurs crus, tels que Malaga, Chypre et Syracuse.
Toute cette société, comme on voit, disposait à sa guise de l’argent de Sa Majesté Henri III.
Au reste, on pouvait juger du caractère de chacun d’après l’aspect de son petit logement. Les uns aimaient les fleurs, et cultivaient dans un grès ébréché, sur la fenêtre, quelque maigre rosier ou quelque scabieuse jaunissante ; d’autres avaient, comme le roi, le goût des images, sans avoir son habileté à les découper ; d’autres enfin, en véritables chanoines, avaient introduit dans le logis la gouvernante ou la nièce.
M. d’Épernon avait dit tout bas à Loignac que les quarante-cinq n’habitant pas l’intérieur du Louvre, il pou-