commençait de butter si fréquemment et si bas, qu’il jugea qu’il était urgent de s’arrêter.
D’ailleurs ses yeux, d’ordinaire si exercés, n’avaient réussi à rien apercevoir tout le long de la route.
Hommes, chariots et barrières lui avaient paru parfaitement inoffensifs.
Mais Chicot, en sûreté, pour l’apparence du moins, ne vivait pas pour cela en sécurité : personne, en effet, nos lecteurs doivent le savoir, ne croyait moins et ne se fiait moins aux apparences que Chicot.
Avant de se coucher et de faire coucher son cheval, il examina donc avec un grand soin toute la maison.
On montra à Chicot de superbes chambres avec trois ou quatre entrées ; mais, de l’avis de Chicot, non-seulement ces chambres avaient trop de portes, mais encore ces portes ne fermaient pas assez bien.
L’hôte venait de faire réparer un grand cabinet sans autre issue qu’une porte sur l’escalier ; cette porte était armée de verrous formidables à l’intérieur.
Chicot se fit dresser un lit dans ce cabinet, qu’il préféra du premier coup à ces magnifiques chambres sans fortifications qu’on lui avait montrées.
Il fit jouer les verrous dans leurs gâches, et, satisfait de leur jeu solide et facile à la fois, il soupa chez lui, défendit qu’on enlevât la table, sous prétexte qu’il lui prenait parfois des faim-valles dans la nuit, soupa, se déshabilla, plaça ses habits sur une chaise et se coucha.
Mais avant de se coucher, pour plus grande précaution, il tira de ses habits la bourse ou plutôt le sac d’écus, et le plaça sous son chevet avec sa bonne épée.
Puis il repassa trois fois la lettre dans son esprit.
La table lui faisait un second contre-fort, et cependant ce double rempart ne lui parut point suffisant ; il se releva, prit une armoire entre ses deux bras, et la plaça en face de l’issue, qu’elle boucha hermétiquement.