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teinte de la tourelle, éclairée par une seule bougie de cire rose, une de ces élégantes tournures de femme qui commandent toujours, sinon l’amour, du moins l’attention, quand toutefois ce n’est pas le désir.

Renversée sur des coussins, tout enveloppée de soie et de velours, cette dame, dont le pied mignon pendait à l’extrémité de ce lit de repos, s’occupait de brûler à la bougie le reste d’une petite branche d’aloès, dont elle approchait parfois, pour la respirer, la fumée de son visage, emplissant aussi de cette fumée les plis de son capuchon et ses cheveux, comme si elle eût voulu tout entière se pénétrer de l’enivrante vapeur.

À la manière dont elle jeta le reste de la branche au feu, dont elle abaissa sa robe sur son pied et sa coiffe sur son visage masqué, Ernauton s’aperçut qu’elle l’avait entendu entrer et le savait près d’elle.

Cependant, elle ne s’était point retournée.

Ernauton attendit un instant ; elle ne se retourna point.

— Madame, dit le jeune homme d’une voix qu’il essaya de rendre douce à force de reconnaissance, Madame… vous avez fait appeler votre humble serviteur : le voici.

— Ah ! fort bien, dit la dame, asseyez-vous, je vous prie, monsieur Ernauton.

— Pardon, Madame, mais je dois avant toute chose vous remercier de l’honneur que vous me faites.

— Ah ! cela est civil, et vous avez raison, monsieur de Carmainges, et cependant vous ne savez pas encore qui vous remerciez, je présume ?

— Madame, dit le jeune homme s’approchant par degrés, vous avez le visage caché sous un masque, la main enfouie sous des gants ; vous venez, au moment même où j’entrais, vous venez de me dérober la vue d’un pied qui, certes, m’eût rendu fou de toute votre personne ; je ne vois rien qui me permette de reconnaître ; je ne puis donc que deviner.

— Et vous devinez qui je suis ?