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viné sa pensée, lui avait fait un signe plein de promesses.

Libre alors, Ernauton se retourna vers le centre de la place, et embrassa d’un même coup d’œil l’échafaud et la loge royale.

Salcède était étendu roide et livide sur l’échafaud.

Catherine était debout, livide et frémissante dans la loge.

— Mon fils, dit-elle enfin en essuyant la sueur de son front, mon fils, vous ferez bien de changer votre maître des hautes œuvres, c’est un ligueur !

— Et à quoi donc voyez-vous cela, ma mère ? demanda Henri.

— Regardez, regardez !

— Eh bien ! je regarde.

— Salcède n’a souffert qu’une tirade, et il est mort.

— Parce qu’il était trop sensible à la douleur.

— Non pas ! non pas ! fit Catherine avec un sourire de mépris arraché par le peu de perspicacité de son fils, mais parce qu’il a été étranglé par-dessous l’échafaud avec une corde fine, au moment où il allait accuser ceux qui le laissent mourir. Faites visiter le cadavre par un savant docteur, et vous trouverez, j’en suis sûre, autour de son cou le cercle que la corde y aura laissé.

— Vous avez raison, dit Henri, dont les yeux étincelèrent un instant, mon cousin de Guise est mieux servi que moi.

— Chut ! chut ! mon fils, dit Catherine, pas d’éclat, on se moquerait de nous ; car cette fois encore c’est partie perdue.

— Joyeuse a bien fait d’aller s’amuser autre part, dit le roi ; on ne peut plus compter sur rien en ce monde, même sur les supplices. Partons, Mesdames, partons !