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— J’espère, monsieur de Joyeuse, dit Catherine, qu’elle va, au contraire, finir le plus lentement possible.

— Madame, dit Joyeuse en secouant la tête, je vois là-bas sous cet auvent de si bons chevaux et qui me paraissent si impatients d’être obligés de demeurer là à ne rien faire, que je ne crois pas à une bien longue résistance des muscles, tendons et cartilages de M. de Salcède.

— Oui, si l’on ne prévoyait point le cas ; mais mon fils est miséricordieux, ajouta la reine avec un de ces sourires qui n’appartenaient qu’à elle : il fera dire aux aides de tirer mollement.

— Cependant, Madame, objecta timidement la reine, je vous ai entendu dire ce matin à madame de Mercœur, il me semble cela du moins, que ce malheureux ne subirait que deux tirades.

— Oui-da, s’il se conduit bien, dit Catherine ; en ce cas, il sera expédié le plus couramment possible ; mais vous entendez, ma fille, et je voudrais, puisque vous vous intéressez à lui, que vous puissiez le lui faire dire ; qu’il se conduise bien, cela le regarde.

— C’est que, Madame, dit la reine, Dieu ne m’ayant point, comme à vous, donné la force, je n’ai pas grand cœur à voir souffrir.

— Eh bien ! vous ne regarderez point, ma fille.

Louise se tut.

Le roi n’avait rien entendu ; il était tout yeux, car on s’occupait d’enlever le patient de la charrette qui l’avait apporté, pour le déposer sur le petit échafaud.

Pendant ce temps, les hallebardiers, les archers et les Suisses avaient fait élargir considérablement l’espace, en sorte que, tout autour de l’échafaud, il régnait un vide assez grand pour que tous les regards distinguassent Salcède malgré le peu d’élévation de son piédestal funèbre.

Salcède pouvait avoir trente-quatre à trente-cinq ans et il était fort et vigoureux ; les traits pâles de son visage,