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à la prière des deux coupables, dans une apparente licence que je veux réprimer, moi, par une stricte discipline : entendez-vous bien cela, Messieurs ? Ceux qui trouveront la condition dure la quitteront ; je ne suis pas embarrassé de volontaires qui les remplaceront.

Nul ne répondit ; mais beaucoup de fronts se plissèrent.

— En conséquence, Messieurs, reprit Loignac, il est bon que vous soyez prévenus de cela : la justice se fera parmi nous secrètement, expéditivement, sans écritures, sans procès ; les traîtres seront punis de mort, et sur-le-champ. Il y a toutes sortes de prétextes à cela, et personne n’aura rien à y voir. Supposons, par exemple, que M. de Montcrabeau et M. de Pincorney, au lieu de causer amicalement dans la rue de choses qu’ils eussent dû oublier, eussent eu une dispute à propos de choses dont ils avaient le droit de se souvenir ; eh bien, cette dispute ne peut-elle pas amener un duel entre M. de Pincorney et M. de Montcrabeau ? Dans un duel il arrive parfois qu’on se fend en même temps et que l’on s’enferre en se fendant ; le lendemain de cette dispute, on trouve ces deux messieurs morts au Pré-aux-Clercs, comme on a trouvé MM. de Quélus, de Schomberg et de Maugiron morts aux Tournelles : la chose a le retentissement qu’un duel doit avoir, et voilà tout. Je ferai donc tuer, vous entendez bien, n’est-ce pas, Messieurs ? je ferai donc tuer en duel ou autrement quiconque aura trahi le secret du roi.

Montcrabeau défaillit tout à fait et s’appuya sur son compagnon, dont la pâleur devenait de plus en plus livide, et dont les dents étaient serrées à se rompre.

— J’aurai, reprit Loignac, pour les fautes moins graves, de moins graves punitions, la prison, par exemple, et j’en userai lorsqu’elle punira plus sévèrement le coupable qu’elle ne privera le roi. Aujourd’hui je fais grâce de la vie à M. de Montcrabeau, qui a parlé, et à M. de Pincorney, qui a écouté ; je leur pardonne, dis-je, parce qu’ils ont pu