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Sainte-Maline rougit, mais ne répondit point.

Ernauton attendit un instant et reprit :

— Si le roi m’a préféré à vous, c’est parce que ma figure lui revient plus que la vôtre ; si je ne me suis pas jeté dans la Bièvre, c’est que je monte mieux à cheval que vous ; si je n’ai pas accepté votre défi au moment où il vous a plu de le faire, c’est que j’ai plus de sagesse ; si je ne me suis pas fait mordre par le chien de l’homme, c’est que j’ai plus de sagacité ; enfin si je vous somme à cette heure de me rendre raison et de tirer l’épée, c’est que j’ai plus de réel honneur, et prenez garde, si vous hésitez, je vais dire plus de courage.

Sainte-Maline frissonnait, et ses yeux lançaient des éclairs ; toutes les passions mauvaises que signalait Ernauton avaient tour à tour imprimé leurs stigmates sur sa figure livide ; au dernier mot du jeune homme, il tira son épée comme un furieux.

Ernauton avait déjà la sienne à la main.

— Tenez, Monsieur, dit Sainte-Maline, retirez le dernier mot que vous avez dit ; il est de trop, vous l’avouerez, vous qui me connaissez parfaitement, puisque, comme vous l’avez dit, nous demeurons à deux lieues l’un de l’autre ; retirez-le ; vous devez avoir assez de mon humiliation, ne me déshonorez pas.

— Monsieur, dit Ernauton, comme je ne me mets jamais en colère, je ne dis jamais que ce que je veux dire ; par conséquent je ne retirerai rien du tout. Je suis susceptible aussi, moi, et, nouveau à la cour, je ne veux donc pas avoir à rougir chaque fois que je vous rencontrerai. Un coup d’épée, s’il vous plaît, Monsieur, c’est pour ma satisfaction autant que pour la vôtre.

— Oh ! Monsieur, je me suis battu onze fois, dit Sainte-Maline avec un sombre sourire, et sur mes onze adversaires deux sont morts. Vous savez encore cela, je présume ?

— Et moi, Monsieur, je ne me suis jamais battu, répli-