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prie ; oh ! si tu savais quel plaisir me fait éprouver ta voix !

— Moi, je te dirai la vérité, voilà tout : tant pis si la vérité est désagréable.

— Ce n’est pas sérieux, n’est-ce pas, dit le roi, ta crainte de M. de Mayenne ?

— C’est très-sérieux, au contraire. Tu comprends : M. de Mayenne m’a fait donner cinquante coups de bâton, j’ai pris ma revanche et lui ai rendu cent coups de fourreau d’épée ; suppose que deux coups de fourreau d’épée valent un coup de bâton, et nous sommes manche à manche ; gare la belle ! Suppose qu’un coup de fourreau d’épée vaille un coup de bâton, ce peut être l’avis de M. de Mayenne, alors il me redoit cinquante coups de bâton ou de fourreau d’épée : or je ne crains rien tant que les débiteurs de ce genre, et je ne fusse pas même venu ici, quelque besoin que tu eusses de moi, si je n’eusse pas su M. de Mayenne à Soissons.

— Eh bien ! Chicot, cela étant, puisque c’est pour moi que tu es revenu, je te prends sous ma protection, et je veux…

— Que veux-tu ? Prends garde, Henriquet ; toutes les fois que tu prononces les mots : je veux, tu es prêt à dire quelque sottise.

— Je veux que tu ressuscites, que tu sortes en plein jour.

— La ! je le disais bien.

— Je te défendrai.

— Bon.

— Chicot, je t’engage ma parole royale.

— Bast ! j’ai mieux que cela.

— Qu’as-tu ?

— J’ai mon trou, et j’y reste.

— Je te défendrai, te dis-je ! s’écria énergiquement le roi en se dressant sur la marche de son lit.

— Henri, dit Chicot, tu vas t’enrhumer ; recouche-toi, je t’en supplie.

— Tu as raison ; mais c’est qu’aussi tu m’exaspères, dit