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avant d’entrer dans le repaire du lion, je vous laisse une dernière minute de réflexion ; il est temps de vous retirer si vous n’êtes pas fort de votre conscience.

— Bah ! dit Briquet, j’en ai vu bien d’autres : Et non intremuit medulla mea, déclama-t-il ; ah ! pardon, vous ne savez peut-être pas le latin ?

— Vous le savez, vous ?

— Comme vous le voyez.

— Lettré, hardi, vigoureux, riche, quelle trouvaille ! se dit Poulain ; allons, entrons.

Et il conduisit Briquet à la gigantesque porte de l’hôtel de Guise, qui s’ouvrit au troisième coup de heurtoir de bronze.

La cour était pleine de gardes et d’hommes enveloppés de manteaux qui la parcouraient comme des fantômes.

Il n’y avait pas une seule lumière dans l’hôtel.

Huit chevaux sellés et bridés attendaient en un coin.

Le bruit du marteau fit retourner la plupart de ces hommes, lesquels formèrent une espèce de haie pour recevoir les nouveaux venus.

Alors Nicolas Poulain, se penchant à l’oreille d’une sorte de concierge qui tenait le guichet entre-bâillé, lui déclina son nom.

— Et j’amène un bon compagnon, ajouta-t-il.

— Passez, Messires, dit le concierge.

— Portez ceci aux magasins, fit alors Poulain en remettant à un garde les trois cuirasses, plus la ferraille de Robert Briquet.

— Bon ! il y a un magasin, se dit celui-ci ; de mieux en mieux : peste ! quel organisateur vous faites, messire prévôt !

— Oui, oui, l’on a du jugement, répondit Poulain en souriant avec orgueil ; mais venez, que je vous présente.

— Prenez garde, dit le bourgeois, je suis excessivement timide. Qu’on me tolère, c’est tout ce que je veux ; quand j’aurai fait mes preuves, je me présenterai tout seul, comme dit le Grec, par mes faits.