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Le marchand, demeuré seul dans la rue, se mit à ramasser la cuirasse de Pertinax et à l’enchâsser dans celle de Fournichon.

Le bourgeois regardait toujours, puis quand il vit le marchand bien empêché :

— Il paraît, Monsieur, lui dit-il, que vous achetez des armures ?

— Mais non, Monsieur, répondit le malheureux marchand ; c’est par hasard et parce que l’occasion s’en est présentée ainsi.

— Alors, le hasard me sert à merveille.

— En quoi, Monsieur ? demanda le marchand.

— Imaginez-vous que j’ai justement là, à la portée de ma main, un tas de vieilles ferrailles qui me gênent.

— Je ne vous dis pas non ; mais pour le moment, vous le voyez, j’en ai tout ce que j’en puis porter.

— Je vais toujours vous les montrer.

— Inutile, je n’ai plus d’argent.

— Qu’à cela ne tienne, je vous ferai crédit ; vous m’avez l’air d’un parfait honnête homme.

— Merci, mais on m’attend.

— C’est étrange comme il me semble que je vous connais ! fit le bourgeois.

— Moi ? dit le marchand essayant inutilement de réprimer un frisson.

— Regardez donc cette salade, dit le bourgeois amenant avec son long pied l’objet annoncé, car il ne voulait point quitter la fenêtre de peur que le marchand ne se dérobât.

Et il déposa la salade annoncée par le balcon et dans la main du marchand.

— Vous me connaissez, dit celui-ci, c’est-à-dite que vous croyez me connaître ?

— C’est-à-dire que je vous connais. N’êtes-vous point ?…

Le bourgeois sembla chercher ; le marchand resta immobile et attendant.