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LES FRÈRES CORSES

mentait encore de l’idée qu’en souffrant ici, je faisais là-bas souffrir mon frère.

— M. Lucien m’avait déjà dit ce que vous me dites là, monsieur ; mais véritablement, pour que je crusse qu’une chose aussi extraordinaire était la vérité et non point une préoccupation de son esprit, il ne me fallait pas moins que la preuve que j’en ai en ce moment ; ainsi, vous-même êtes convaincu, monsieur, que le malaise qu’éprouvait là-bas votre frère dépendait de la souffrance que vous ressentiez ici ?

— Oui, monsieur, parfaitement.

— Alors, repris-je, comme votre réponse affirmative a pour résultat de m’intéresser doublement à ce qui vous arrive, permettez-moi de vous demander, par intérêt et non par curiosité, si le chagrin dont vous me parliez tout à l’heure est passé et si vous êtes en voie de consolation.

— Oh ! mon Dieu ! vous le savez, monsieur, me dit-il, les douleurs les plus vives s’engourdissent avec le temps, et, si aucun accident ne vient envenimer la plaie de mon cœur, eh bien, elle saignera encore quelque temps, puis enfin elle se cicatrisera. En attendant, recevez de nouveau tous mes remercîments, et accordez-moi de temps en temps la permission de venir vous parler de Sullacaro.

— Avec le plus grand plaisir, lui dis-je ; mais pourquoi, dans ce moment même, ne continuons-nous pas