Page:Dumas - Les Frères Corses, 1881.djvu/59

Cette page a été validée par deux contributeurs.
47
LES FRÈRES CORSES

tous les soirs, Savilia descendait dans le cachot attenant à celui où était enfermé Giudice, et, là, séparée de lui par une grille seulement, elle se déshabillait, et, se montrant nue au captif :

« — Giudice, lui disait-elle, comment un homme aussi laid que toi a-t-il jamais pu croire qu’il posséderait tout cela !

Ce supplice dura trois mois, se renouvelant deux fois par jour. Mais, au bout de trois mois, grâce à une femme de chambre qu’il séduisit, Giudice parvint à s’enfuir. Il revint alors avec tous ses vassaux, beaucoup plus nombreux que ceux de Savilia, prit le château d’assaut, et, s’étant à son tour emparé de Savilia, l’exposa nue dans une grande cage de fer, à un carrefour de la forêt appelé Bocca di Cilaccia, offrant lui-même la clef de cette cage à tous ceux que sa beauté tentait en passant : au bout de trois jours de cette prostitution publique, Savilia était morte.

— Eh bien, mais, remarquai-je, il me semble que vos aïeux n’entendaient pas mal la vengeance, et qu’en se tuant tout bonnement d’un coup de fusil ou d’un coup de poignard, leurs descendants sont un peu dégénérés.

— Sans compter qu’ils en arriveront à ne plus se tuer du tout. Mais, au moins, reprit le jeune homme, cela ne s’est point passé ainsi dans notre famille. Les deux fils de Savilia, qui étaient à Ajaccio sous la garde de