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LES FRÈRES CORSES

reux, et, comme elle ne se hâtait pas de répondre à cet amour selon ses désirs, il la fit prévenir que, si elle ne se décidait pas à l’accepter pour époux dans un temps donné, il saurait bien l’enlever de force. Savilia fit semblant de céder et invita Giudice à venir dîner avec elle. Giudice, au comble de la joie et oubliant qu’il n’était parvenu à ce résultat flatteur qu’à l’aide de la menace, se rendit à l’invitation, accompagné de quelques serviteurs seulement. Derrière eux, on referma la porte, et, cinq minutes après, Giudice, prisonnier, était enfermé dans un cachot.

Je passai par le chemin indiqué, et je me trouvai dans une espèce de cour carrée.

À travers les ouvertures creusées par le temps, la lune jetait sur le sol, jonché de décombres, de grandes flaques de lumière. Toutes les autres portions de terrain demeuraient dans l’ombre projetée par les murailles restées debout.

Lucien tira sa montre.

— Ah ! dit-il, nous sommes de vingt minutes en avance. Asseyons-nous ; vous devez être fatigué.

Nous nous assîmes, ou plutôt nous nous couchâmes sur une pente gazonneuse faisant face à une grande brèche.

— Mais il me semble, dis-je à mon compagnon, que vous ne m’avez pas raconté l’histoire entière.

— Non, continua Lucien ; car, tous les matins et