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LES FRÈRES CORSES

Et le jeune homme leva les yeux au ciel comme dut le faire Annibal après la bataille de Zama.

— Mais, lui répondis-je, vous voyez bien que Dieu a voulu contre-balancer les choses, puisque, tout en faisant votre frère sectateur des nouveaux principes, il vous a fait, vous, partisan des vieilles habitudes.

— Oui ; mais qui me dit que mon frère ne suivra pas l’exemple de son oncle au lieu de suivre le mien ? Et moi-même, tenez, est-ce que je ne me laisse pas aller à des choses indignes d’un de Franchi !

— Vous ? m’écriai-je avec étonnement.

— Eh ! mon Dieu, oui, moi. Voulez-vous que je vous dise ce que vous êtes venu chercher dans la province de Sartène ?

— Dites.

— Vous êtes venu avec votre curiosité d’homme du monde, d’artiste ou de poète ; je ne sais pas ce que vous êtes, je ne vous le demande pas ; vous nous le direz en nous quittant, si cela vous fait plaisir ; sinon, notre hôte, vous garderez le silence : vous êtes parfaitement libre… Eh bien, vous êtes venu dans l’espoir de voir quelque village en vendette, d’être mis en relation avec quelque bandit bien original, comme ceux que M. Mérimée a peints dans Colomba.

— Eh bien, il me semble que je ne suis pas si mal tombé, répondis-je ; ou j’ai mal vu, ou votre maison est la seule dans le village qui ne soit pas fortifiée.