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LES FRÈRES CORSES

de production de l’île, comme le chêne vert et le laurier-rose ; il me faut mon atmosphère imprégnée des parfums de la mer et des émanations de la montagne ; il me faut mes torrents à traverser, mes rocs à gravir, mes forêts à explorer ; il me faut l’espace, il me faut la liberté ; si l’on me transportait dans une ville, il me semble que j’y mourrais.

— Mais comment y a-t-il donc une si grande différence morale entre vous et votre frère ?

— Avec une si grande ressemblance physique, ajouteriez-vous si vous le connaissiez.

— Vous vous ressemblez beaucoup ?

— C’est au point que, lorsque nous étions enfants, mon père et ma mère étaient forcés de mettre à nos habits un signe pour nous distinguer l’un de l’autre.

— Et en grandissant ? demandai-je.

— En grandissant, nos habitudes ont amené une légère différence de teint, voilà tout. Toujours enfermé, toujours penché sur ses livres et sur ses dessins, mon frère est devenu plus pâle, tandis qu’au contraire toujours à l’air, toujours courant la montagne ou la plaine, moi, j’ai bruni.

— J’espère, lui dis-je, que vous me ferez juge de cette différence, en me chargeant de vos commissions pour M. Louis de Franchi.

— Oui, certainement, et avec un grand plaisir, si vous voulez bien avoir cette complaisance. Mais pardon