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OTHON L’ARCHER

nues entre nous, qu’il ne m’appelait plus que son neveu.

« Ton père fut tué ; je le pleurai comme s’il eût été mon père. En mourant, il me donna sa bénédiction et me renouvela son consentement. Dès lors je te regardai comme mienne ; ton souvenir, inconnu mais toujours présent, fleurit au milieu de toutes mes pensées ; ton nom se mêla à toutes mes prières.

« Nous arrivâmes devant Jérusalem ; nous fûmes repoussés pendant trois assauts : le dernier dura soixante heures. Il fallait renoncer à tout jamais à la cité sainte ou l’emporter cette fois. Godefroy ordonna une dernière attaque. Nous prîmes ensemble la conduite d’une colonne ; nous marchâmes en tête ; nous dressâmes deux échelles, et nous montâmes côte à côte ; enfin, nous touchions au haut du rempart ; je levais le bras pour saisir un créneau, lorsque je vis briller le fer d’une lance : une douleur aiguë succéda à cette espèce d’éclair, un frisson glacé me courut par tout le corps. Je prononçai ton nom, puis je tombai à la renverse sans plus rien sentir ni rien voir ; j’étais tué.

« Je n’ai aucune idée du temps que je restai endormi de ce sommeil sans rêve qu’on appelle la mort. Enfin, un jour, il me sembla sentir une main qui se posait sur mon épaule. Je crus vaguement que le jour de Josaphat était arrivé. Un doigt toucha mes paupières, j’ouvris les yeux, j’étais couché dans une tombe dont le