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OTHON L’ARCHER

« Le combat avait été si court et la stupéfaction qui l’avait suivi si grande, que les hommes d’armes de Gérard n’avaient pas même pensé, en voyant tomber leur maître, à fermer la porte du château. Le chevalier entra donc sans résistance dans la première cour, mit pied à terre, passa la bride de son cheval à un crochet de fer, et s’avança vers le perron ; au moment où il mettait le pied sur la première marche, Béatrix parut sur la dernière : elle venait au devant de son libérateur.

« — Ce château est à vous, chevalier, lui dit-elle ; car vous venez de le conquérir. Regardez-le donc comme vôtre. Plus longtemps vous y demeurerez, plus ma reconnaissance sera grande.

« — Madame, répondit le chevalier, ce n’est pas moi, c’est Dieu qu’il faut remercier ; car c’est Dieu qui m’envoie à votre aide. Quant à ce château, c’est la demeure de vos pères depuis dix siècles, et je désire qu’il soit dix siècles encore celle de leurs descendants.

« Béatrix rougit, car elle était la dernière de sa famille.

« Cependant le chevalier avait accepté l’hospitalité offerte : il était jeune, il était beau. Béatrix était seule et maîtresse de son cœur. Au bout de trois mois, les deux jeunes gens s’aperçurent qu’il y avait entre eux d’un côté plus que de l’amitié, et de l’autre plus que de la reconnaissance. Le chevalier parla d’amour, et, comme il paraissait d’une naissance élevée, quoiqu’on