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OTHON L’ARCHER

vous avez dû remarquer à la main de mon père, et qui est si beau, qu’il vaut à lui seul la moitié d’une comté.

« Gérard était brave ; aussi, pour toute réponse, la porte principale s’ouvrit. Un page sortit qui vint ramasser le gant, et derrière le page s’avança le châtelain, revêtu de son armure de guerre et monté sur un cheval de bataille.

« Pas une parole ne fut échangée entre les deux adversaires. Le chevalier inconnu abaissa la visière de son casque, Gérard en fit autant. Les champions prirent chacun de son côté le champ qu’ils crurent nécessaire, mirent leur lance en arrêt, et revinrent l’un sur l’autre au galop de leurs chevaux.

« Gérard, je vous l’ai dit, passait pour un des hommes les plus forts et les plus braves de l’Allemagne. Il avait une cuirasse forgée par le meilleur ouvrier de Cologne. Le fer de sa lance avait été trempé dans le sang d’un taureau mis à mort par des chiens, au moment où ce sang bouillait encore des dernières agonies de l’animal, et cependant sa lance se brisa comme du verre contre l’écu du chevalier, tandis que la lance du chevalier perçait du même coup le bouclier, la cuirasse et le cœur de son adversaire. Gérard tomba, sans prononcer une seule parole, sans avoir le temps de se repentir, et comme s’il eût été foudroyé ; le chevalier se retourna vers Béatrix : elle était à genoux et remerciait Dieu.