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OTHON L’ARCHER

superstition que les affligés ont seuls, elle mit tout son espoir, sans savoir quel espoir pouvait lui rester encore, en ce point inconnu, qui, à mesure qu’il descendait le Rhin, commençait à prendre une forme. Les yeux de Béatrix étaient fixés sur lui avec tant de persistance, que la fatigue plus encore que la douleur lui faisait verser des larmes. Mais, à travers ces larmes, elle commençait à distinguer une barque. Quelques instants après, elle vit que cette barque était conduite par un cygne et montée par un chevalier qui se tenait debout à la proue, le visage tourné vers elle, comme elle-même avait le visage tourné vers lui, tandis qu’à la poupe hennissait un cheval harnaché en guerre. À mesure que la barque approchait, les détails devenaient visibles : le cygne était attaché avec des chaînes d’or, le chevalier était armé de toutes pièces, à l’exception de son casque et de son bouclier, qui étaient posés près de lui ; de sorte qu’il fut bientôt facile de voir que c’était un beau jeune homme de vingt-cinq à vingt-huit ans, au teint hâlé par le soleil d’Orient, mais dont les cheveux blonds et flottants trahissaient l’origine septentrionale.

Béatrix était tellement plongée dans la contemplation, qu’elle n’avait point vu les remparts se garnir de soldats, attirés comme elle par cet étrange spectacle, et cette contemplation était d’autant plus profonde qu’il n’y avait plus à s’y tromper à cette heure, la barque ve-