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OTHON L’ARCHER

avait donné son oncle. Si Godefroy eût encore vécu, elle eût été sans crainte ; car elle avait le cœur plein de foi, et il lui avait dit qu’en quelque lieu qu’il fût, séparé par des montagnes ou par des mers, il entendrait le bruit de la clochette sainte et viendrait à son secours, mais Godefroy était mort, et, à chaque Pater, la clochette avait beau sonner, il n’y avait plus d’espérance que ce son amenât vers elle un défenseur.

« Les jours s’écoulèrent, puis les mois, puis l’année ; Gérard ne s’était point un instant relâché de sa garde, de sorte que nul ne savait l’extrémité où était réduite Béatrix. D’ailleurs, à cette époque, la fleur de la noblesse était en Orient, et à peine restait-il sur les bords du Rhin deux ou trois chevaliers qui eussent osé, tant la force et le courage de Gérard était connus, prendre la défense de la belle captive.

« Le dernier jour s’était levé. Béatrix venait, ainsi que d’habitude, d’achever sa prière ; le soleil était brillant et pur, comme si la lumière céleste n’éclairait que du bonheur. La jeune fille vint s’asseoir sur son balcon, et, de là, ses yeux se portèrent vers l’endroit du rivage où elle avait perdu de vue son père et son oncle. À ce même endroit, ordinairement désert, il lui sembla apercevoir un point mouvant dont elle ne pouvait, à cause de l’éloignement, distinguer la forme ; mais, du moment qu’elle l’eut aperçu, chose étrange, il lui sembla que ce point se mouvait ainsi pour elle, et, avec cette