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OTHON L’ARCHER

la leur, l’une conduite par Pierre l’Ermite, et l’autre par Gaultier Sans-Argent.

« Ils arrivèrent devant Nicée. Vous connaissez les détails de ce siège. Au troisième assaut, le prince Robert de Clèves fut tué. Cette nouvelle mit six mois à traverser l’espace et à venir habiller de deuil la jeune princesse Béatrix.

« L’armée continua sa route marchant vers le midi, au milieu de telles fatigues et de telles souffrances, que, à chaque ville que les croisés apercevaient, ils demandaient si ce n’était point là enfin la cité de Jérusalem où ils allaient ; enfin la chaleur devint si grande, que les chiens des seigneurs expiraient en laisse et que les faucons mouraient sur le poing. En une seule halte, cinq cents personnes trépassèrent, dit-on, par la grande soif qu’elles éprouvaient et ne pouvaient apaiser. Dieu ait leurs âmes !

« Pendant toute cette longue et douloureuse marche, les souvenirs d’Occident revenaient aux malheureux croisés, plus frais et plus chers que jamais. Ils avaient été ranimés chez Godefroy par la mort de son beau-frère, Robert de Clèves. Aussi, peu de jours se passaient-ils sans que le général chrétien parlât à son jeune ami, Robert d’Alost, de sa charmante nièce Béatrix. Sûr qu’elle ne disposerait pas de sa main sans sa permission, il avait l’espoir, si l’entreprise sainte ne l’enchaînait pas en Palestine pour un trop long temps,