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OTHON L’ARCHER

ceux du chevalier au cygne, et ce chevalier, sans aucun doute, était un de ces anciens preux qui avaient pris part aux croisades.

Othon s’approcha doucement de la jeune fille : elle priait à voix basse devant le chevalier, comme elle aurait pu faire devant le Christ ou devant un martyr, et tenait à la main un rosaire à grains d’ébène incrustés de nacre, au bout duquel pendait une petite clochette qui ne rendait plus aucun son, le battant s’en étant détaché par vétusté sans doute et n’ayant point été remplacé.

Au bruit que fit Othon en heurtant une chaise, la jeune fille se retourna, et, loin que sa figure marquât aucun ressentiment d’avoir été suivie ainsi, elle le regarda avec un sourire triste mais doux.

— Vous le voyez, lui dit-elle, chacun de nous fait selon l’esprit que Dieu a mis en lui. Mon père se prépare à combattre, et, moi, je prie. Vous espérez triompher par le sang ; moi, j’espère vaincre par les larmes.

— Et quel saint priez-vous ? répondit Othon cédant à la curiosité que lui inspirait la vue de cette image reproduite ainsi, tantôt sur la pierre et tantôt sur la toile. Est-ce saint Michel ou saint Georges ? Dites-moi son nom, que je puisse prier le même saint que vous.

— Ce n’est ni l’un ni l’autre, répondit la jeune fille ; c’est Rodolphe d’Alost ; et le peintre s’est trompé lors-