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OTHON L’ARCHER

nêtres, plongeant un regard avide dans l’intérieur des appartements qu’habitait celle qu’il aimait déjà de toute son âme : alors c’étaient des rêves de bonheur et des projets de vengeance qui s’offraient ensemble à son esprit, enlacés comme un serpent mortel à un arbre chargé de fruits délicieux. Puis, de temps en temps enfin, un souvenir de la colère paternelle obscurcissait son front, et passait comme un nuage entre l’avenir et le soleil naissant de son amour.

En descendant sa garde, Othon trouva le barbier du château qui l’attendait : il était envoyé par le comte et venait pour lui couper les cheveux.

Othon lui fit répéter deux fois cet ordre ; car, ne pouvant chasser les souvenirs si vivants de sa récente splendeur, il ne voulait pas croire que ce fût à lui que cet ordre était adressé. Mais, en y réfléchissant, il comprit que ce que le prince exigeait était tout simple : pour le prince, Othon n’était qu’un archer, plus adroit que les autres, il est vrai, mais l’adresse n’anoblissait point, et les nobles seuls avaient le droit de porter les cheveux longs. Il fallait donc qu’Othon quittât le château ou obéit.

Telle était l’importance que les jeunes seigneurs attachaient alors à cette partie de leur parure, qu’Othon resta en suspens : il lui semblait que, pour son honneur et celui de sa famille, il ne devait pas souffrir une telle dégradation. D’ailleurs, du moment qu’il l’aurait souf-