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OTHON L’ARCHER

d’un demi-mille, suivait les seigneurs et semblait, en se déroulant sur le sentier étroit qui descendait de la colline à la plaine, un long serpent diapré qui venait se désaltérer au fleuve.

De longues acclamations accueillirent le roi et la reine de la fête au moment où ils montèrent sur l’estrade qui leur était préparée. Quant à Othon, ils avaient déjà pris place, que pas un cri n’était encore sorti de sa bouche, tant il était tombé dans une contemplation muette et profonde à la vue de la jeune princesse Héléna.

C’était, en effet, une des plus gracieuses créations que put produire cette Allemagne du Nord, si féconde en types pâles et gracieux. Comme les plantes qui poussent à l’ombre en trempant leurs racines dans un sol humide, Héléna manquait peut-être de ces vives couleurs de la jeunesse qui éclosent sous un soleil plus ardent ; mais, en revanche, elle avait toute la souplesse et toute la grâce de ces jolies fleurs des lacs que l’on voit sortir de l’eau le jour pour regarder un instant autour d’elles et prendre part à la fête de la vie, mais qui se referment au crépuscule et se couchent la nuit sur ces larges feuilles rondes aux tiges invisibles que la nature leur a données pour berceau. Elle suivait son père et était elle-même suivie par le comte de Ravenstein, qui devait, disait-on, recevoir bientôt le titre de fiancé ; derrière eux marchaient des pages portant, sur un coussin de velours rouge, la toque destinée à